1ère Partie : Tonnerre de Brest
Comment
résumer plus sérieusement ce chantier ? Ces 1200 kilomètres à parcourir en
moins de 90h. Parlons tout d’abord du parcours : il est à chier :D ! Une
randonnée, ça m’évoque une balade sur les petites routes de campagne de la
belle France, mais là … pas du tout … Le choix a été fait (pour des raisons de
sécurité) de passer la plupart du temps par des grands axes routiers, ce qui est
bien dommage et, à mon sens, plutôt dangereux. Pour mes sorties vélo, j'adore
passer du temps à réaliser des itinéraires qui évitent ce genre de route, et
trouver de beaux paysages ou un intérêt touristique…c'est ce qui explique mon
ressenti exagérément négatif.
Mais pour tous les étrangers qui refont le PBP pour la Xème fois, ce n’est pas le parcours qui compte mais cette ambiance incroyable…
Incroyable, c’est le mot ! Je ne m’attendais pas du tout à cela. Si le PBP ne montre pas le plus beau visage de la France, il affiche le plus beau sourire des Français.
Les bénévoles de la course sont aux petits oignons et les gens au bord de la route sont formidables de bienveillance. Des spectateurs de tous âges nous applaudissent dans les villes traversées et parfois au beau milieu de nulle part en pleine nuit…
Des ravitos hors course offerts de bon cœurs sont distribués tout au long du parcours et à toute heure, que ce soit pour de l’eau, un café, une part de cake ou un gâteau fait-maison.
Combien de fois, je me suis dit les gens sont fous ! les gens sont chou … juste incroyables.
Parlons un peu de vélo…
Moi qui était un cycliste plutôt solitaire, après ces années de préparation pour les longues distances, je m’aperçois finalement que j’aime avoir de la compagnie !. Même si on me l’a répété : « sur le PBP tu ne seras jamais seul » il est difficile de trouver les personnes avec qui bien rouler sans se poser trop de questions..
Je pars avec mon ami Sameh dans la vague G au milieu de cyclistes japonais et indiens venus en nombre. Je n’avais pas conscience de l’aura de cette randonnée dans le monde. Le petit français que je suis, se sent perdu au milieu de cette foule internationale…
Après
3h d’attente, et sous l’euphorie de l’évènement, nous partons sur les chapeaux
de roue et certainement un peu trop vite, au fil des groupes qui se font et se
défont…
Vers
3h du matin, après presque 8h de vélo non-stop, nous nous arrêtons à la buvette
du Ribay pour prendre un café. A ce moment là, j’ai un gros coup de fatigue, je
n'ai plus envie de remonter sur mon vélo... Sameh décide de continuer de rouler
et moi je pars faire un somme dans des algécos aménagés en dortoir avec des
transats de jardin (oui, les gens proposent aussi des couchages … formidables
je vous dis).
Après
2h de sommeil peu réparateur (c’est pas facile facile de dormir près une
tireuse à bière…), je repars et finis par retrouver Sameh puis mon ami brésilien
Fernando. On roule ensemble, se perd puis se retrouve sur près de 300 km
jusqu’à Carhaix, dernière étape avant Brest !
Il est 20h30, plus que 90 km pour finir la première moitié du parcours mais je ne peux plus suivre… le rythme de mes compagnons est trop élevé pour moi à ce moment là, ils décident de continuer et je reste pour passer une courte nuit dans le dortoir.
Là encore, le sommeil est compliqué !
La chaleur est suffocante dans le gymnase aménagé pour accueillir les cyclistes exténués…Les lits de camps craquent à chaque mouvement, ça ronfle, ça pue l’effort long…
2h30 du mat, réveil et en route pour Brest !!
Je retrouve beaucoup d’indiens de ma vague G, ça me rassure un peu …
La nuit est froide et très humide, « It’s fucking cold ! » qu’ils me disent…
La pause m’a fait du bien, je saute de groupes en groupes et j’arrive enfin à bout des innombrables côtes de ce parcours breton.
A force de monter/descendre, j’ai l’impression que Brest se trouve en haut d’une énorme montagne !
J’arrive
vers 7h30 à la moitié du chemin, le temps de tamponner le carnet de voyage, et
je repars à la recherche d’une boulangerie pour me taper un bon p’tit kouign
amann !! (on est pas venu jusqu'ici pour rien !).
Au même endroit, se trouve un duo de cyclistes qui eux aussi s’adonnent à ce plaisir breton. Nous repartons ensemble, pour ne plus nous quitter jusqu’à Rambouillet.
Déjà
604 km parcourus en 38 heures …
2ème Partie : Maeva and the ChristopheS :
Pendant
toute la première partie du parcours, je n’ai jamais réussi à rester dans un
groupe stable… Certes, je n’ai jamais été seul, j’ai roulé un temps avec mes
amis, j’ai tapé la discute avec des japonais, des indiens, pris des relais avec
des italiens, des espagnols, des anglais, des américains… mais pas moyen de
s’accorder sur la distance.
Là, avec cette jeune helvète sur sa belle randonneuse multicolore et ce grand bonhomme aux allures de coach sportif, ça roule super bien !!
Nos rythmes sont similaires et l’ambiance est joviale… On discute, on fait connaissance...
Maeva roule sur un vélo du concours des machines, elle est pimpante et très remarquée; Christophe, lui s’appelle Christophe 😊, il a des autocollants de grandes rando sur son vélo, 2 enfants du même âge que les miens, il a la voix de mon ami Constant et le physique de mon ami Ghislain...
On
s’entend bien...
Les kilomètres défilent et le retour vers la capitale semble plus facile.
Après 260 km de vélos dans la journée et 867 km au total, nous arrivons au point de contrôle de Tinténiac à 23h45 …Il reste… juste 60 km jusqu’au prochain point de contrôle, mais je commence à fatiguer.
On hésite à repartir mais on y va …60 kilomètres… c’est rien !En route dans la nuit noire, la nuit noire et obscure, obscure et sombre, je me cogne contre un mur de fatigue. Du mal à avancer, je me recroqueville sur moi-même…
A
1h30 du mat au milieu de nulle part, un groupe de jeunes sur le bord de la
route nous remotive avec de la musique à fond, hourras et corne de brume
(incroyable je vous disais…), ça nous rebooste un peu mais l’énergie retombe
vite.
C’est
le moment des questions débiles !! Christophe et Maeva chantent et me
saoulent de questions pour rester éveillés : » tu écoutes quoi comme
musique ? tu aimes pas chanter ? dans le gruyère il y a des trous ? si y a plus
de gruyère, il a plus de trous donc moins de gruyère … non ? »
A
ce moment là, je ne suis pas très bavard, limite grognon… je n’en peux plus et
je sens un problème mécanique qui pointe le bout de son nez (il y a du jeu dans
le pédalier !)…
Un
peu plus loin nous rattrapons un brésilien qui titube, allant de gauche à
droite de la route, la tête basse. On essaie de parler avec lui mais il
n’arrive pas à traduire son brésilien en anglais….Plus de tête, plus de son,
plus d’image.
Moi
j’évite de fermer les yeux par peur de pas les rouvrir. Les hallucinations
commencent à arriver ... je vois un masque sur de plongée sur le casque de
Maeva...
Bon an, mal an, nous
arrivons enfin à Fougères vers 4h du matin (finalement, 60 km, ce n’est pas
rien quand on est exténué …). Nous partons directement faire la queue pour
entrer dans le dortoir. Encore une très mauvaise nuit de sommeil à me retourner
sur des tatamis de judo durs comme du bois avec des couvertures de survie qui
font un bruit infernal !
On
papote, le courant passe bien et je me rappelle d’avoir roulé avec lui sur le
BRM 400 du centenaire. Maeva est ravie d’accueillir un nouveau Christophe au
sein du groupe ! improbable mais vrai :D.
Avec
ce renfort, le petit groupe de 4 est encore mieux organisé et on gère bien les
difficultés pour arriver en fin de journée à Mortagne au Perche (1099 km). Une
dernière collation avec la famille de Maeva et on s’élance sur les 120 derniers
kilomètres.
Les corps commencent à bien souffrir et la peau des fesses à bien rougir…A chaque arrêt, c’est de plus en plus difficile de se rassoir sur la selle (le monde entier est un cactus…) mais nous sommes remontés comme jamais pour terminer. Encore quelques côtes pour sortir du Perche et c’est la longue descente de 50 km jusqu’à Dreux.
Les routes sont belles ici, un vrai billard !
Christophe est en feu et se transforme en locomotive d'un train infernal…
Nous prenons tour à tour des relais bien appuyés ce qui nous fait rattraper de nombreux cyclos. Certains d’entre eux semblent être dans le dur et le souffle de notre passage leur file un sacré coup au moral : « c’est pas possible !! ».
Les douleurs s’intensifient, il est temps d’arriver…
Christophe a très mal au tendon d’Achille, Maeva passe son temps en danseuse et ne peut presque plus s’assoir … pour moi aussi c'est difficile; chaque relief de la route est une torture pour mon derrière.
Le point de contrôle de Dreux est visité en un éclair, le temps de pointer et manger un bout de pizza. On s’élance doucement sur les derniers 45 km tout en serrant les dents.
15,
10,
5 km avant la fin…
Les
visages sont fermés jusqu’à voir les grilles du château de Rambouillet ! Le
contrat est plus que rempli en arrivant moins de 80 heures après le départ.
On
s’aligne côte à côte, coudes serrés pour descendre vers la ligne d’arrivée et
en finir avec cette randonnée... Mythique !
Un grand merci à ma petite femme qui a organisé un groupe WhatsApp pour que mes enfants, ma famille et nos amis puissent m’encourager.
J’ai essayé de vous
retranscrire comme je peux mon aventure. Vous m’avez été d’un grand réconfort
moral ! Merci infiniment !
Merci aux vétérans des PBP pour leurs conseils avisés. David, Pierre-Antoine et
Loic, … respect pour y être retourné !
Merci à mes compagnons de route à l’aller, Sameh et Fernando.
Cœur avec les doigts pour Maeva et sa famille, Christophe et surtout
Christophe….A dans 4 ans ! :’D
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